La présidente de la FTQ met en garde les délégués contre les dangers auxquels sont confrontés les syndicats

image floue d'un groupe de manifestants marchant dans les rues en hiver

Magali Picard, présidente de la Fédération du travail du Québec et ancienne vice-présidente nationale de l’AFPC, a pris la parole lors du 19e Congrès triennal de l’UCET à Montréal. Dans son discours, elle a tiré la sonnette d’alarme au sujet des lois américaines dites ‘Droit au travail’ et de la façon dont les hommes et femmes politiques de droite veulent les introduire au Canada. Mais que sont ces soi-disant lois ?

Revenons tout d’abord un peu en arrière. En pleine dépression des années 1930, le président américain Roosevelt a signé le National Labor Relations Act (NLRA), loi qui légalise le droit des travailleurs et travailleuses à former des syndicats, à négocier des conventions collectives et à faire grève. Elle reconnaît également l’importance des ‘ateliers syndicaux’, où tous les travailleurs et toutes les travailleuses partagent les coûts afférents à l’exploitation de leur syndicat. Les entreprises ont immédiatement contesté cette loi devant les tribunaux, mais n’ont pas obtenu gain de cause. Elles n’ont pas baissé les bras pour autant, se tournant vers les gouvernements des États pour réduire les droits des travailleurs et travailleuses à se syndiquer. Ces lois  sortent tout droit du monde de George Orwell, où elles signifient exactement le contraire : elles sapent ni plus ni moins le pouvoir des travailleurs et travailleuses de se syndiquer efficacement sur leur lieu de travail et d’obtenir de meilleurs salaires et avantages sociaux.

Au Canada, les travailleurs et travailleuses ont également obtenu des droits syndicaux au sortir de la dépression et de la Seconde Guerre mondiale. En septembre 1945, les ouvriers de Ford à Windsor ont fait grève pendant 99 jours, contribuant ainsi à instaurer la sécurité syndicale sur les lieux de travail au pays. Les Travailleurs unis de l’automobile avaient exigé que tous les membres du personnel de l’usine adhèrent au syndicat, ce que l’on appelle un ‘atelier fermé’, avec un prélèvement automatique des cotisations chaque jour de paie par l’entreprise. Ford ne voulait pas de cela, préférant revenir au ‘bon vieux temps’ d’avant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il était difficile pour les travailleurs et travailleuses de former des syndicats.

Cette question de la ‘sécurité syndicale’ a conduit à la grève, les travailleurs et travailleuses sachant pertinemment que pour être efficaces les syndicats  avaient besoin d’un soutien financier. Ford avait conclu un accord similaire avec ses employés américains, alors pourquoi pas au Canada ? Avant le prélèvement des cotisations, chaque jour de paie, le délégué syndical ou la déléguée syndicale devait s’adresser à chaque travailleur et travailleuses et lui demander le montant de sa cotisation. Il ou elle leur remettait alors une épinglette qu’ils et elles devaient porter pour prouver leur statut de membre en règle.

Pour mettre fin à la grève, le gouvernement fédéral est intervenu en proposant l’arbitrage exécutoire. L’arbitre, Ivan Rand, juge de la Cour suprême, a autorisé le prélèvement des cotisations, mais pas la création d’un atelier syndical, ce qui signifie que lorsqu’une majorité de travailleurs et travailleuses adhère à un syndicat, tous ceux et toutes celles qui bénéficient de la convention collective doivent payer des cotisations pour la soutenir, mais sans toutefois l’obligation de devenir membres du syndicat. En contrepartie, le syndicat est tenu de faire respecter la convention collective et ses avantages sociaux pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Ce système est rapidement devenu une norme dans les relations de travail au Canada, ce qui explique que les salarié(e)s qui ne signent pas de carte syndicale sont aujourd’hui appelés ‘cotisant(e)s Rand’.

Aux États-Unis, des intérêts commerciaux soutenus par les Républicains ont introduit des lois visant à réduire ce que nous appelons au Canada la «formule Rand». Cette transformation s’est étendue même à des États autrefois fortement syndiqués comme le Michigan, l’Indiana et le Wisconsin. En 2016, les lois de 27 États américains et du territoire de Guam exigeaient que tous les employé(e)s bénéficient des avantages d’une convention collective sans avoir à débourser un centime pour y avoir droit. Ces lois sont un moyen de récompenser les ‘profiteurs’ et, dans le même temps, d’affaiblir le pouvoir financier des syndicats.

Un éditorial paru dans le Washington Post au début de l’année expliquait ainsi les objectifs des lois dites ‘droit au travail’ :

En privant les syndicats des outils essentiels pour organiser les électeurs de la classe ouvrière et faire pression en faveur de politiques favorables aux travailleurs, les lois sur le droit au travail ont privé la classe ouvrière d’un point d’accès essentiel au processus politique, réduisant ainsi un élément autrefois clé de la coalition démocrate. Les syndicats soulignent constamment l’effet négatif de ces lois sur l’influence politique des travailleurs, et des analyses récentes menées par des économistes et des sociologues confirment leurs affirmations. Les études indiquent que les lois sur le droit au travail réduisent directement les salaires dans les États qui les adoptent, modifient l’équilibre des pouvoirs politiques en faveur des politiciens conservateurs, et réduisent les ressources économiques dont disposent les syndicats pour organiser et défendre les travailleurs.

Pour reprendre les mots de Martin Luther King, l’objectif des lois sur le droit au travail « Le droit de s’organiser, de faire grève et de négocier collectivement est essentiel pour obtenir un salaire vital durable. »

Mais cela ne peut pas arriver au Canada, n’est-ce pas ? Pas plus tard qu’en 2008, le Parti conservateur du Canada appelait de ses vœux de telles lois à l’américaine. Le groupe de réflexion de droite, l’Institut Fraser, a appelé les gouvernements provinciaux à adopter de telles lois. Alors oui, cela peut arriver ici si nous ne sommes pas prudents. C’est la sonnette d’alarme que Magali Picard a tirée en s’adressant aux délégué(e)s.

***(AVERTISSEMENT RAPIDE : LES 2 BOUTONS AU-DESSUS DE CETTE LIGNE MÈNENT À DES SOURCES EXTERNES qui ne sont pas gérées par l’ucet).***

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