Aides-contrôleurs/contrôleuses de la circulation aérienne – Un long combat

À minuit sonnant le 26 octobre 1973, les membres de l’UCET travaillant dans les aéroports du pays comme aides-contrôleurs /contrôleuses de la circulation aérienne (ACCA) commencèrent à se faire porter malades. Qualifié par les médias d’alors de ‘grippe de 24 heures’, ce mouvement débuta dans l’Est, à Gander et à Moncton, pour se propager vers l’Ouest, à Montréal, Toronto, Winnipeg, Calgary, Edmonton, Vancouver, ainsi qu’à plusieurs autres aéroports. La direction fit des pieds et des mains pour trouver des remplaçant(e)s, faisant souvent appel à des contrôleurs/contrôleuses de la circulation aérienne supplémentaires pour faire le travail. Ce mouvement de grève déclenché par 325 membres était le résultat de la réticence affichée par Transports Canada pour réviser la classification de leurs emplois. Rémunérés au niveau CR 3, les membres estimaient qu’ils effectuaient un travail technique d’un niveau supérieur à celui auquel l’employeur les évaluait.

Au début des années 1970, les membres de l’UCET, tout nouvellement créée, comptaient des années de frustration refoulée à l’égard du gouvernement fédéral. Les nouvelles lois adoptées en 1967 accordaient aux syndicats le droit de négocier collectivement et de faire la grève, mais les membres s’impatientaient devant la lenteur des processus et le refus de l’employeur de donner suite à leurs griefs. Devant ce refus de l’employeur de les écouter, ils étaient déterminés à prendre des mesures, même si ces ‘grèves sauvages’ seraient illégales.

Un an plus tard, l’employeur n’avait toujours rien fait lorsque les aides-contrôleurs /contrôleuses de la circulation aérienne (ACCA) déclenchèrent une grève nationale qui dura une semaine. Le 14 octobre 1974, les membres débrayèrent de Vancouver à Gander. La reclassification qu’ils réclamaient aurait entraîné une augmentation de salaire de 25 %. Leur convention collective ne devait pas arriver à échéance avant l’automne 1975, mais les nouvelles lois ne permettaient pas aux syndicats de négocier la classification. Pourquoi attendre qu’une grève soit légale s’ils ne pouvaient pas négocier le changement de toute façon ?

Quelques semaines après leur retour au travail, l’employeur prit finalement une décision – pas de reclassification mais plutôt une poursuite devant les tribunaux ! Le Conseil du Trésor (CT) demanda à la Commission des relations de travail dans la fonction publique l’autorisation de porter plainte contre les aides-contrôleurs /contrôleuses pour leur grève illégale. Le début des années 1970 fut le théâtre de plusieurs grèves sauvages de fonctionnaires frustré(e)s par le gouvernement. Les pompiers/pompières avaient organisé une grève illégale en avril et les postiers/postières avaient également débrayé. Ce fut ensuite le tour des opérateurs/opératrices radio de l’aéroport qui entamèrent des grèves tournantes en 1974. Le président du Conseil du Trésor envoya alors une lettre aux employé(e)s du secteur public pour leur dire que le ‘gouvernement ne tolérerait plus d’actes sauvages’.

Le premier ministre Pierre Trudeau et le président du Conseil du Trésor Jean Chrétien en eurent assez. Ce dernier déclara : « Le gouvernement a l’intention de prendre des mesures sévères à l’égard des grèves illégales. » Quelques mois plus tard, la GRC portaient des accusations contre les employé(e)s qui avaient pris part à la grève d’une semaine, les premiers inculpés étant 36 aides-contrôleurs /contrôleuses à Moncton. Puis, de Gander à Pitt Meadows (C.-B.), ce fut le tour de 252 aides-contrôleurs/contrôleuses et 90 opérateurs/opératrices radio qui furent accusés en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique d’avoir participé à une grève illégale. Traduits en justice ils risquaient une amende de 100 $.

L’origine du conflit de classification remontait à l’obligation faite aux aides-contrôleurs /contrôleuses de suivre une formation de six mois pour exécuter leur travail, alors qu’ils étaient considérés comme commis. Ils recevaient 8 000 dollars par an, soit le même salaire que les autres employé(e)s de bureau ne nécessitant aucune formation technique. Leurs tâches comprenaient le traitement des plans de vol, la prestation d’un service d’alerte pour la recherche et le sauvetage des petits avions, et les prévisions météorologiques pour les contrôleurs aériens. Ils et elles devaient également communiquer des données au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Pendant des années, les membres luttèrent pour que leurs classifications soient prises en compte, mais sans résultat. Ils considéraient l’action syndicale comme la seule solution. Le même employeur qui refusait d’agir, qui niait à leur syndicat le droit de négocier la classification, avait également le pouvoir d’intenter des poursuites et donc, pour la première fois, de traduire ses employé(e)s en justice.

Mais aller devant les tribunaux était plus facile à dire qu’à faire ! Le gouvernement avait six mois pour porter des accusations, mais il tarda à agir et n’eut que quelques semaines pour passer à l’action. Lorsqu’il le fit, il inculpa des personnes qui s’étaient absentées de leur travail pour d’autres raisons, notamment pour cause de congé de maladie. Les procès devaient se dérouler au niveau de la cour provinciale, de sorte que les amendes allaient du maximum de 100 $ en Alberta à 10 $ au Nouveau-Brunswick, où elles étaient assorties d’une absolution conditionnelle empêchant les grévistes d’avoir un casier judiciaire. À Prince Albert, en Saskatchewan, les membres reçurent une amende de 20 $.

En juillet, un juge de Calgary saisi d’une affaire déclara le membre non coupable en raison d’un manque de preuves. Après cette affaire, le juge souligna qu’il ne pouvait plus entendre d’autres cas de personnes plaidant non coupables parce qu’il n’était ‘pas habilité par la loi’ à siéger dans plus d’une affaire impliquant les mêmes témoins. L’avocat de la défense souligna qu’il n’y avait pas assez de juges en Alberta pour entendre les cas restants de ceux plaidant non coupables. À Edmonton, un juge rejeta une accusation parce que la poursuite ne pouvait pas prouver que l’homme était membre de l’unité de négociation qui fit la grève. Peu après, les accusations contre les membres furent graduellement suspendues.

Alors que les travailleurs et travailleuses attendaient leur sort dans les salles d’audience, Transports Canada annonça que les ACCA allaient se voir confier de nouvelles tâches, à savoir qu’ils et elles suivraient un cours de formation de cinq semaines avant d’assumer les tâches qui incombaient auparavant aux contrôleurs/contrôleuses de la circulation aérienne, soit l’affichage de la position des aéronefs, l’autorisation préalable au décollage et le traçage des données de vol. Les nouveaux rôles feraient augmenter leurs salaires de 400 $ à 1 400 $, leur accordant ainsi une hausse de 4 % à 17 %, les plus bas salaires recevant les augmentations les plus importantes.

Mais Transports Canada fut confronté à un nouveau problème. Le syndicat des contrôleurs de la circulation aérienne, l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA), se prononça contre les changements apportés aux fonctions. Tout n’allait pas pour le mieux dans les tours de contrôle des aéroports du Canada. Même si leur salaire ne changeait pas, ils et elles voulaient que cette nouvelle politique soit nulle et non avenue, affirmant qu’elle serait dangereuse pour la sécurité des vols et aussi pour le public voyageur. L’ACCTA, l’UCET\AFPC et le gouvernement fédéral se retrouvaient ainsi dans une impasse. En août, le Conseil du Trésor demanda une injonction pour empêcher les 2 200 contrôleurs et contrôleuses de déclencher une grève illégale à cause des nouvelles fonctions des aides-contrôleurs/contrôleuses.

Au bout du compte, le gouvernement fédéral parvint à obtenir son injonction, l’ACCTA annula sa menace de grève et, en janvier 1976, la première classe d’aides-contrôleurs /contrôleuses de la circulation aérienne reçut son diplôme. Les membres de l’UCET avaient mené une longue bataille contre des lois restrictives, été confrontés à un employeur réticent, déclenché une grève sauvage, reçu des accusations criminelles, et été opposé à un autre syndicat, pour finalement crier ‘victoire’ ! Le leader de l’Association des aides-contrôleurs /contrôleuses de la circulation aérienne était Bob Cox, celui-là même qui en 1981 fut élu président de l’Élément.

***(AVERTISSEMENT RAPIDE : LES 2 BOUTONS AU-DESSUS DE CETTE LIGNE MÈNENT À DES SOURCES EXTERNES qui ne sont pas gérées par l’ucet).***

© 1969-2024 | Union Canadienne des employés des transports | Tous droits réservés.

This is a staging environment