Bâtir un syndicat moderne – Partie II : À la recherche de l’unité

Une organisation comme l’Union canadienne des employés des transports (UCET) ou l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ne vient pas de nulle part, mais est plutôt le résultat de nombreuses années de travail acharné et d’efforts inlassables. Il est trop facile d’oublier ceux et celles qui ont bâti notre mouvement, ou les noms des personnes et des organisations qui ont contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Notre cheminement historique est long, et remonte bien avant le dernier demi-siècle.

Partie II : À la recherche de l’unité

L’Association du Service civil (ASC) commença presque immédiatement à parler de la nécessité d’unir le service ‘interne’ et le service ‘externe’ pour que les fonctionnaires du gouvernement fédéral puissent avoir une voix forte et unie. Les fonctionnaires internes étaient ceux et celles qui travaillaient à Ottawa ou au siège social, les fonctionnaires externes étant ceux et celles des bureaux régionaux ou locaux.

L’ASC mit alors sur pied un comité d’unité chargé de rédiger des règlements, puis entreprit de planifier une réunion des diverses associations de la fonction publique fédérale à travers le pays. C’est ainsi que les 29 et 30 avril 1909, 34 délégué(e)s d’un large éventail d’organisations d’employé(e)s, comme les Postes, les Douanes et diverses associations régionales, le groupe le plus important étant l’Association du Service civil d’Ottawa (ASCO), se réunirent sur la colline du Parlement. Une fois de plus, J. Lambert Payne y présenta la motion visant à appeler la nouvelle organisation parapluie la Fédération du Service civil du Canada (FSC).

La FSC n’était, à ses premiers balbutiements, qu’une coalition très souple de divers groupes, aucune des associations ne voulant renoncer à son autonomie. Le transport et les finances constituant des questions problématiques dans un pays aussi vaste que le nôtre, le travail principal incomba aux personnes qui se trouvaient à Ottawa. À l’époque, comme aujourd’hui d’ailleurs, nombreux furent les soupçons et autres critiques quant à l’éthique du travail des fonctionnaires fédéraux/fédérales, venant bien souvent des rangs des députés conservateurs siégeant dans l’opposition. Ce qui n’empêcha pas le gouvernement de continuer d’offrir une bien piètre compensation financière à ses personnels.

Dans le cadre d’un arrangement plutôt étrange, certaines associations locales étaient dirigées par des député(e)s en exercice qui avaient encouragé leur création mais les avaient utilisées à des fins électorales, Ces associations, pensant ainsi avoir une voix au Parlement, étaient réticentes à céder leur autorité à un comité national. Cette situation donna lieu à des tensions, rivalités et autres désaccords sur les champs de compétence. À son Congrès de 1911, l’Association du Service civil du Canada, dont le siège était à Winnipeg, refusa de s’associer à l’Association du Service civil de la Colombie-Britannique, dont le siège se trouvait principalement à Vancouver. Les délégué(e)s de la C.-B. assistèrent au Congrès, ce que ne firent pas ceux et celles de Winnipeg.

L’Association du Service civil d’Ottawa (ASCO) créa une section féminine lors d’une réunion à laquelle assistèrent quelque 200 femmes, en 1918, puis décerna deux sièges de son Exécutif à des femmes. Celles-ci devinrent rapidement des organisatrices actives au sein de l’association. En effet, ce furent bien des représentantes de la gent féminine qui déclenchèrent la toute première grève des employé(e)s ‘internes’ du gouvernement fédéral en 1918. Les besoins de main-d’œuvre causés par le déclenchement de la Première Guerre mondiale entraînèrent le déplacement de fonctionnaires entre les ministères et le transfert d’emplois. Lorsque dix femmes qui n’avaient pas reçu l’augmentation de salaire promise de 50 à 60 dollars par mois se sentirent ignorées, elles organisèrent alors une ‘grève sur le tas’ à leur bureau, refusant de travailler. La direction ne perdit pas de temps à réagir. Nos grévistes reprirent leur travail, leur respect ainsi retrouvé, après avoir reçu l’augmentation de salaire de 20 % qui leur avait été promise.

Le journal Civilian publia un éditorial sur la question, en 1918 :

Les fonctionnaires sont des salariés — des personnes qui travaillent dur pour gagner leur pain quotidien, au même titre que les charpentiers, les conducteurs d’engins ou autres cigariers. Ils ont leur syndicat, tout comme les maçons et les machinistes ont le leur. La seule différence est que les syndicats de la fonction publique sont les plus pauvres du lot. Ils ne sont pas assez forts pour faire respecter les règles de ‘l’atelier fermé’, et ce n’est que récemment qu’ils ont découvert que certains d’entre eux étaient assez puissants pour mener une grève avec succès.

La prime de guerre promise de 350 $ n’était devenue rien d’autre qu’une promesse de polichinelle. La base de l’ASCO s’impatienta alors et demanda que des mesures soient prises. L’exécutif, faisant montre de plus de calme, hésita à prendre une position publique alors que la guerre était toujours en cours. Puis, dans la soirée du samedi 2 novembre 1918, quelque 5 000 fonctionnaires fédéraux/fédérales se rassemblèrent devant les nouveaux édifices du Parlement, bien déterminé(e)s à manifester leur mécontentement au gouvernement. Jamais depuis 1872, autant de travailleurs n’avaient manifesté à Ottawa. Tout comme cela se fait aujourd’hui, les membres furent encouragés à faire pression sur leurs député(e)s et à envoyer des télégrammes. La rumeur se répandant que le gouvernement envisageait de réduire la prime, les porte-parole dirent à la foule que si la fonction publique ne réagissait pas avec colère et ne faisait pas connaître ses revendications avec force, le gouvernement réduirait alors certainement la prime de guerre promise.

La paix enfin revenue sur le front ouest le 11 novembre 1918, les fonctionnaires s’attendaient désormais à toucher certaines compensations après la perte de tant d’êtres chers et des années de sacrifice. Mais tel ne fut pas le cas. Certes, les primes furent finalement versées en 1919, mais, comme on le craignait, le gouvernement revint sur sa parole et le montant moyen versé ne s’éleva qu’à 175 $, soit bien moins que les 350 $ promis. Qui plus est, la prime fut limitée au service ‘interne’, ne fut pas accordée à ceux et celles qui gagnaient plus de 1 800 $ par an, et pire encore elle excluait les ouvriers et ouvrières. Ce sont des mesures de ce genre prises par les employeurs après la Grande Guerre qui furent à la source de nombreuses grèves, dont la grève générale de Winnipeg en mai 1919.

Profondément découragé(e)s et fort en colère contre le manque d’intérêt manifesté par le gouvernement pour leur bien-être, les travailleurs et travailleuses de l’époque se lancèrent dans un militantisme sans cesse croissant. L’année 1918 fut notamment marquée par une grève nationale des facteurs et factrices, et par la formation d’un nouveau syndicat militant. Le gouvernement avait créé la Commission de la fonction publique, chargée de réglementer tous les personnels de la fonction publique. Lors de discussions à Vancouver et à New Westminster, il fut question de n’avoir qu’un seul syndicat au sein d’un même employeur. C’est ainsi que naquit l’Amalgamated Civil Servants of Canada qui comprenait les gardien(ne)s de phare et les opérateurs/opératrices radio. Cette organisation ne cessa de croître, créant diverses antennes un peu partout au pays. Remarquée pour son militantisme, elle correspondait au sentiment de l’époque, mais elle était aussi le début d’une lutte pour déterminer quel type de syndicat résulterait de la nouvelle structure gouvernementale.

 

 

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