Bâtir un syndicat moderne – Partie III : Le militantisme grandit de jour en jour

À la fin de la Grande Guerre, travailleurs et travailleuses étaient empli de frustration et de colère autant contre le gouvernement du jour que contre le monde des affaires. On se souciait peu en effet de leur contribution à l’effort de guerre ou du bien-être de leurs familles. Le militantisme grandissait de jour en jour et, même si la grève générale de Winnipeg eut fait les grands titres de l’époque, il semblait bien que la nation entière était en grève. La Fédération du Service civil du Canada (FSC sous son ancienne désignation) invita même Tom Moore, le président du Congrès des métiers et du travail du Dominion (appellation de l’époque), à prendre la parole à son congrès de 1920.

Malgré cela, certains estimaient que la FSC n’était pas assez militante. Quelques fonctionnaires du gouvernement fédéral d’alors commencèrent à mettre sur pied un nouveau syndicat, le Syndicat fédéral 66 : Association des employés fédéraux d’Ottawa, qui reçut une charte du Congrès des métiers et du travail du Dominion. La direction de la FSC fut prompte à déclarer qu’il s’agissait d’une organisation ‘hors-la-loi’. Les éléments les plus conservateurs voulurent lancer une propagande contre la syndicalisation du milieu ouvrier et ‘appâter’ le nouveau syndicat. Ils clamèrent alors tout haut que ceux qui dirigeaient ce mouvement avaient ‘troqué le rasage contre des cravates rouges’, une référence à la révolution russe de 1917.

La FSC et sa composante, l’Association du Service civil d’Ottawa (ASCO), subirent toutes sortes de pressions de la part du nouveau syndicat et de leurs propres membres pour se joindre à l’organe principal des syndicats au Canada. Le 29 octobre 1920, l’ASCO céda à ces pressions et organisa un vote à l’échelle du gouvernement à Ottawa sur la question de l’affiliation. Bien que l’ASCO compta moins de 1 000 membres, tous/toutes les employé(e)s du Service, y compris les cadres, furent invité(e)s à prendre part au vote. Ainsi, 6 042 bulletins de vote furent déposés et, à la grande surprise de la direction, le résultat donna 3 208 contre 2 376 en faveur de l’adhésion au Congrès des métiers et du travail. Étant donné qu’un sixième seulement des votants avaient payé des cotisations à l’ASCO, ce vote ne fut suivi d’aucune mesure. Cependant, il n’en révéla pas moins la présence d’un militantisme au sein de la base du Service qui n’était pas reflété dans la direction. Il apparut clairement que les fonctionnaires fédéraux et fédérales voulaient que leurs associations commencent à agir comme les autres syndicats du pays.

La grève de Winnipeg coûta leur emploi à nombre d’entre de fonctionnaires. Le Syndicat fédéral 66 exigea la réintégration des travailleurs et travailleuses à leur poste et à leur niveau antérieur. Il demanda au Congrès, qui n’avait pas soutenu la grève, de leur apporter dorénavant son aide. L’ASCO, quant à elle, demanda au gouvernement de licencier tous les membres du Syndicat fédéral 66.

L’Amalgamated Postal Workers of Canada, une organisation essentiellement en place dans l’ouest du pays, organisa son congrès de 1921 à Vancouver. À ses 25 représentant(e)s vinrent s’ajouter d’autres délégué(e)s qualifié(e)s de ‘fraternel(le)s’, venant de diverses associations de personnel. Le militantisme résonna dans toute la salle ! Beaucoup ressentirent le besoin d’avoir une organisation qui prendrait la forme d’une association regroupant l’ensemble des employé(e)s. La motion fut adoptée, ainsi les délégué(e)s fraternel(le)s des six autres organisations devinrent membres fondateurs de l’Association du Service civil du Canada (ASCC). Il y avait ainsi un troisième syndicat déterminé à syndiquer tous/toutes les employé(e)s fédéraux/fédérales dans un seul organisme. Trois associations se disputant dorénavant leur adhésion, le Syndicat fédéral 66 disparut petit à petit.

En 1923, il y avait plus de femmes que d’hommes travaillant dans la fonction publique fédérale, la grande majorité d’entre elles étaient toutefois exclues de presque tous les postes supérieurs, une situation qui n’attira pas pour autant l’attention des associations. Elles étaient toutefois fort au courant du concept de l’égalité des salaires, car en mai 1923, lors du congrès de l’ASCC, des résolutions furent adoptées à ce sujet lesquelles, toutefois, ne tenaient compte que du mécontentement des hommes célibataires de la fonction publique et non de celui des femmes. À l’époque, les hommes célibataires étaient moins bien payés que les hommes mariés, aussi voulaient-ils un salaire égal pour un travail de valeur égale. Les journaux titraient : ‘Le gouvernement fédéral ignore le principe du salaire égal pour un travail égal’. Il faudra attendre les années 1980 pour que les femmes soient prises en compte dans ‘l’équité salariale’.

En 1928, l’ASCC fut le tout premier syndicat fédéral à ouvrir un bureau national à Ottawa, doté d’un agent rémunéré à temps plein, Fred Knowles, à titre de secrétaire national. L’année suivante, lorsqu’une délégation de gardiens de phare des Maritimes, en provenance de l’Est et de l’Ouest, se rendit à Ottawa pour réclamer des augmentations salariales, c’est vers l’ASCC qu’elle se tourna pour obtenir de l’aide. Cet effort constitua une autre preuve que les membres de la base étaient déterminés à exprimer leurs frustrations, même s’il leur fallait parcourir de grandes distances pour se rendre à Ottawa.

Dix ans après la grève générale de Winnipeg de 1919, la ville de Winnipeg et le gouvernement du Manitoba réembauchèrent les grévistes à leurs anciens postes, ce que le gouvernement fédéral ne fit pas quant à lui. L’ASCC prit fait et cause pour ces travailleurs et travailleuses. Elle persuada les parlementaires de présenter un projet de loi visant à réintégrer les personnels fédéraux qui avaient pris part à la grève générale, lesquels devaient retrouver leur niveau de salaire antérieur – un fonds de 100 000 $ fut créé à cette fin. Pour certain(e)s, cela représentait un arriéré de salaire de 1 500 $.

Alors que l’ASCC assumait la direction des travailleurs/travailleuses du gouvernement fédéral à Winnipeg, l’Association du Service civil d’Ottawa s’opposa officiellement à l’introduction de la semaine de travail de cinq jours, affirmant que ‘l’adoption de cette innovation n’était pas dans le meilleur intérêt du service public’. Les associations se firent concurrence pour leur adhésion et, malgré une différence au niveau du militantisme entre elles, cela se résuma, souvent, à la question de savoir laquelle offrirait une meilleure police d’assurance collective plutôt qu’à leurs positions sur les grandes questions. Dans la plupart des cas, les employé(e)s signèrent une carte d’adhésion auprès de deux organisations mais ne versant des cotisations à aucune.

Lorsque le pays fut plongé en pleine dépression, le gouvernement réagit alors, comme tous les gouvernements le firent au cours de l’histoire, en s’attaquant aux employé(e)s du secteur public. En 1932, le gouvernement du premier ministre Bennet réduisit les salaires de 5 à 10 % à la suite de l’adoption d’une loi du Parlement. Il retira les décisions financières des mains de la Commission du service civil pour en confier la responsabilité au Conseil du Trésor, une situation qui perdure toujours. Il faudra attendre 1937 pour que les salaires des travailleurs soient rétablis.

Le congrès de 1934 de la FSC réclama une indemnité pour usage de véhicule personnel pour le travail, des taux de rémunération différentiels de nuit, l’autorisation aux personnes occupant des ‘emplois dominants’ de poser leur candidature à des postes classifiés de la fonction publique et, pour confirmer leurs opinions conservatrices, il estima que les fonctionnaires ne devraient pas avoir de droits politiques.

Lorsque les membres de l’AFPC se penchèrent sur leur historique, ils s’aperçurent que bien souvent les conseils régionaux n’appartenaient qu’à l’Association du Service civil du Canada. Toutefois, en 1938, la FSC créa des conseils de district pour permettre aux membres des associations de différents ministères de coopérer. Ces ‘relations plus étroites’ furent découragées si elles incluaient la fraternisation avec les conseils de l’ASCC. Victoria fut la première ville à adopter un conseil et, au cours des années suivantes, la plupart des centres urbains en créèrent un. Nombre d’entre eux ne furent en fait que des clubs sociaux par nature, mais permirent néanmoins le partage d’expériences interministérielles.

À la dépression suivie la Seconde Guerre mondiale. En 1940, le gouvernement fédéral réagit en annulant certains jours fériés pour ses employé(e)s, les premiers à disparaître furent le lundi de Pâques et le jour du Souvenir. En 1942, les fonctionnaires découvrirent que le gouvernement avait prolongé leur semaine de travail de 5 heures sans augmentation de salaire, une situation qui perdura ainsi jusqu’à la fin de l’année 1945. Les salaires furent gelés aux niveaux de 1939. Des plaintes se firent entendre selon lesquelles de nombreux employé(e)s travaillaient depuis 10 ans ou plus sans jamais se voir offrir un poste permanent, un problème qui dura pendant de nombreuses décennies.

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