Bâtir un syndicat moderne – Partie V : S’unir ou mourir !

Trois ans après leur expulsion de la Fédération du Service civil (FSC), l’Association du Service civil d’Ottawa (ASCO) et la Fédération du Service civil du Canada (FSSC) fusionnèrent, donnant ainsi une voix unie à quelque 25 000 membres au sein d’une nouvelle organisation appelée l’Association du Service civil du Canada (ASCC). Grâce à cette fusion, les membres de n’importe quel ministère et de n’importe quelle région du pays se retrouvèrent dans une seule association. Pourtant, malgré l’existence de deux grandes associations actives, on estima alors que 70 000 fonctionnaires du gouvernement n’étaient toujours pas membres de l’un ou l’autre groupe. Bien du travail restait à accomplir avant qu’une voix forte et unie ne représente les travailleurs et travailleuses du gouvernement fédéral.

Déjà même avant 1960, les travailleurs et travailleuses de nombreuses communautés avaient constitué des ‘comités d’action conjointe’ afin de permettre aux deux associations de travailler ensemble sur des questions d’intérêt commun. Ils et elles ne perdirent pas de temps à mettre la question de l’unité en tête de leurs objectifs. Au niveau national, les dirigeant(e)s réagirent à cette situation en créant un Conseil des président(e)s chargé d’étudier ce à quoi pourrait bien ressembler ‘l’unité’.

S’il fallait un jour faire face à un gouvernement arbitraire, alors les deux éléments que sont l’unité et la négociation collective s’avéreraient nécessaires. En 1962, le gouvernement déclara une ‘urgence’, prétexte pour soudainement geler les salaires. Il joua ensuite au Père Noël en décembre, offrant la rétroactivité à son personnel. La frustration alors ressentie à l’égard du gouvernement et de la direction qui avait du mal à parler d’une seule et même voix, n’en fut que plus évidente. Cependant, durant toute cette période, les aversions personnelles des dirigeant(e)s constituaient encore et toujours un obstacle à l’unité. Le gouvernement allait bientôt les obliger à s’affronter, ou bien les deux organisations risquaient de connaître une fin rapide.

Lester Pearson, devenu le nouveau premier ministre après avoir défait les Conservateurs de Diefenbaker, nomma un comité de neuf personnes chargées d’étudier ce à quoi pourrait ressembler une méthode de négociation collective au sein du gouvernement fédéral. Ainsi, si les diverses associations ne commençaient pas à chercher une solution à leurs différends, le gouvernement pourrait le faire pour elles.

C’est ainsi qu’en 1964 commencèrent les pourparlers en vue d’en arriver à l’unité entre l’Association canadienne des employé(e)s nationaux/nationales de la marine et l’Association canadienne du service aérien. Le leadership de certains membres de la FSC était peut-être réticent à l’idée d’en arriver à l’unité, mais les employé(e)s du ministère des Transports cherchaient à devenir plus forts. Les deux associations assumèrent également des rôles de leadership au sein du FSC. En 1965, C.B. Christensen, de l’Association canadienne des services aériens (ACSA), fut élu trésorier, puis Bob Armstrong, secrétaire de l’Association nationale des employé(e)s du secteur maritime (ANESM), devint le président de la Conférence des président(e)s sur l’unité.

Le 15 mai 1965, une proposition de constitution et d’accord de fusion fut publiée, et à la fin du mois de juin de cette même année, huit des affiliés de la FSC approuvèrent la fusion lors de leurs congrès, y compris l’ANESM et l’ACSA.

En juillet 1965, alors que les affiliés de la FSC et l’ASCC s’efforçaient de donner forme à un nouveau syndicat, une grève des travailleurs et travailleuses des postes fut déclenchée, laquelle s’avéra être l’une des plus grandes grèves sauvages du Canada impliquant comme jamais auparavant des fonctionnaires du gouvernement. Cette grève se déroula alors que le gouvernement étudiait les règlements et les lois à adopter pour accorder des droits syndicaux aux travailleurs et travailleuses du secteur public. Elle survint à un moment clé pour la formation de syndicats au sein du gouvernement fédéral, car elle signalait en grandes lettres que les fonctionnaires fédéraux/fédérales en avaient assez des retards.

Le congrès de la FSC du mois suivant réagit à la grève en adoptant une position d’opposition aux grèves au sein du gouvernement fédéral. Certes, quelques associations tentèrent bien d’arrêter le processus de fusion, mais elles se retrouvèrent du côté des perdants d’une bataille qui avait duré 50 ans. La fusion avec l’ASCC et la création d’un nouveau syndicat furent alors approuvées.

En avril 1966, le gouvernement Pearson déposa à la Chambre le Projet de loi C-170 qui prévoyait la négociation collective et le droit de grève. Les classifications seraient négociées à l’échelle du gouvernement, ce qui signifiait qu’en cas d’échec pour en arriver à l’unité, aucune association n’aurait suffisamment de membres pour présenter une demande d’accréditation d’agent négociateur à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).

La pression exercée pour former un nouveau syndicat ne venait pas seulement de la base…, la loi s’en mêlant dorénavant, ce à quoi vint s’ajouter la crainte de voir d’autres syndicats prendre des mesures pour syndiquer les fonctionnaires au niveau fédéral. Il courrait des rumeurs selon lesquelles le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) cherchait à syndiquer ces fonctionnaires. Le SCFP fut créé en 1963 par la fusion du Syndicat national de la fonction publique (SNFP) et du Syndicat national des employé(e)s de la fonction publique (SNEFP). Il se trouvait dans une situation idéale s’il voulait prendre de l’expansion.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), tout juste sorti de son débrayage, qualifia la FSC et l’ASCC d’organismes manipulés par la partie patronale, et invita tous/toutes les employé(e)s du gouvernement fédéral à rechercher l’unité et à se regrouper sous la bannière du STTP. La FSC et l’ASCC se devaient alors d’agir au risque de disparaître.

L’Association canadienne des employé(e)s de la marine comptait quelque 2 200 membres provenant surtout du ministère des Transports, mais aussi des équipages de navires exploités par d’autres ministères. L’Association canadienne de l’aviation quant à elle recensait environ 7 775 membres, pour un total de près de 10 000 membres lorsque ces deux organismes se réunirent pour former l’Élément du ministère des Transports (ÉTM).

L’ÉMT était l’un des cinq éléments fondateurs qui se réunirent avant le congrès de fusion du 9 novembre, notre président siégeant au conseil d’administration national provisoire du nouveau syndicat. Parmi les quatre noms possibles envisagés pour ce nouveau syndicat, le congrès décida qu’il s’appellerait l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC). Les 80 000 membres des associations affiliées à la FSC et les 25 000 membres de l’ASCC furent dorénavant unis pour concrétiser une vision qui avait été entrevue en 1909. L’ÉMT était le cinquième plus grand Élément à ce congrès.

Le 13 mars 1967, le Parlement adopta trois projets de loi, C-170, C-181 et C-182, établissant enfin le droit des employé(e)s de la fonction publique fédérale de former des syndicats et de négocier collectivement. Le mois suivant, l’AFPC demanda à devenir l’agent négociateur de huit groupes. Mais sans plus tarder, la Confédération des syndicats nationaux (CNS), basée au Québec, déposa une contestation auprès de la CRTFP, faisant valoir que l’AFPC n’était pas une association d’employé(e)s au sens de la loi, que les unités n’avaient jamais été membres de l’AFPC, que ses dirigeant(e)s n’avaient pas le pouvoir d’agir au nom des employé(e)s, et qu’elle n’était qu’une fédération de groupes distincts et non un syndicat. La Commission statua que les personnes présentes au Congrès de fondation de l’AFPC étaient bien des employé(e)s du gouvernement fédéral au sens de la loi et constituaient donc un syndicat en vertu de la loi.

L’AFPC sortit vainqueur de sa première difficulté et poursuivit ses campagnes de syndicalisation, demandant maintenant à ses membres de signer des cartes d’adhésion, dont une portant le nom de l’AFPC. En août, la CRTFP accrédita les pompiers/pompières (FR) et les gardiens/gardiennes de phare (LI), deux des premières classifications à avoir choisi l’AFPC comme agent négociateur. Ces deux groupes avaient une longue histoire dans la création des associations précurseurs qui mena à la fondation de l’AFPC et de l’UCET.

On a beaucoup parlé des divisions qui persistent au sein du Syndicat et qui font écho aux deux organisations fondatrices, la Fédération du Service civil et l’Association du Service civil du Canada. Ce qui est clair, c’est que les employé(e)s du ministère des Transports ont joué un rôle fort actif parmi toutes les diverses associations au fil des ans. Pendant plus de 50 ans, ils et elles ont pris part à la création des organisations qui ont donné naissance à l’AFPC. L’AFPC et l’UCET existent maintenant depuis plus d’un demi-siècle ! Nous participons depuis plus d’une cinquantaine d’années à un projet de structuration syndicale – en protégeant nos membres et leurs familles, au travail et dans leurs collectivités. Et nous avons hâte de vivre les 100 prochaines années.

 

 

 

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