Des oiseaux de nuit qui font du 9 à 5 : repenser comment l’on gagne notre vie

Il y a à peine quelques jours la plupart des Canadiens et Canadiennes ont vu leur rythme circadien bouleversé par l’entrée en vigueur de l’heure d’été ou avancée. Ce rituel semestriel constitue l’un des nombreux facteurs de notre vie moderne qui perturbent notre sommeil et ont des répercussions néfastes sur notre santé, notre vivacité d’esprit ou encore notre productivité. La fatigue entraînant des conséquences aussi bien pour les employeurs que pour leurs employés, c’est donc avec ceci en tête qu’en cette Journée mondiale du sommeil nous tenons à examiner de plus près cette question.

Il va sans dire qu’un employé fatigué est davantage exposé à subir des blessures à son milieu de travail, et à causer des blessures à autrui. À bien des reprises, la fatigue a été identifiée comme un facteur à prendre en compte lors d’accidents majeurs comme la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, l’explosion de la capsule spatiale Challenger ou encore l’accident nucléaire de Three-Mile Island. L’explication se trouve dans les troubles du sommeil qui réduisent notre capacité à exécuter des fonctions hautement cognitives.

Bien sûr… un employeur ne peut obliger son personnel à dormir de 7 à 9 heures chaque nuit! Ceci dit, il n’en a pas moins le pouvoir de mettre en place des politiques factuelles permettant d’avoir une main-d’œuvre plus reposée.

Pour commencer, les employeurs pourraient reconnaître que leurs effectifs ont des chronotypes différents – en somme, des façons différentes par lesquelles leur horloge interne se manifeste. Ces dernières années, la question des chronotypes a été l’objet de nombreux travaux de recherche. La science nous révèle que la tendance d’un individu à être un ‘couche-tard’ ou un ‘lève-tôt’ n’est pas une question de préférence ni d’autodiscipline – elle est ancrée dans les gènes.

Les résultats de ces recherches révèlent que nos horloges internes sont influencées par les gènes et qu’il est extrêmement difficile les modifier. Si vous n’êtes pas de ceux ou celles qui se lèvent à l’aube, il est peu probable que vous y parviendrez un jour ou l’autre, tout au moins pas avant que les effets du vieillissement se fassent sentir! En effet, lorsque nous prenons de l’âge nos horloges nous font alors signe de nous réveiller de plus en plus tôt.

Pourquoi une vie de noctambule risque de raccourcir notre existence – Vox

Les personnes qui génétiquement ne sont pas prédisposées à se lever tôt doivent bien souvent lutter contre leur chronobiologie pour s’adapter aux attentes de la société, ce qui les place dans un décalage social perpétuel, entraînant par la même occasion un problème chez les employeurs rigides – un grand nombre de leurs employés ne travaillent tout simplement pas à leur niveau maximal de productivité, de vigilance ou encore de créativité. En outre, la lutte contre sa propre chronobiologie a des conséquences sur la santé, telles que maladie cardiaque, diabète, obésité, dépression, angoisse, voire même un décès précoce. Il a aussi été démontré que ce décalage social contribue à une consommation accrue de stimulants (café, nicotine, alcool) chez les personnes ayant des chronotypes tardifs.

Des employeurs, conscients des résultats scientifiques, apportent ainsi des changements pour le bienfait de leurs effectifs.

Parmi les entreprises qui cherchent une solution au problème, il convient de citer la compagnie aérienne Southern Airlines qui permet à ses pilotes de choisir des heures de vol le matin et le soir. La marine américaine a récemment fait passer la durée d’un poste de travail de 18 heures dans un sous-marin à 24 heures afin de suivre de plus près le rythme biologique de ses marins. Chez quelques entreprises des secteurs pharmaceutiques et financiers, de même que des fabricants de logiciels, les directeurs de service attendent de leurs employé(e)s qu’ils ou elles ne se rendent au bureau que quelques heures seulement dans le milieu de la journée – ou travaillent entièrement depuis l’extérieur.

De nouveaux horaires pour promouvoir une main-d’œuvre mieux reposée et plus productive – The New York Times.

Une autre entreprise pharmaceutique danoise, AbbVie, permet à ses employés d’établir leurs propres horaires en fonction de leur chronotype. En fait, ce processus ne se limite pas au choix de ses propres heures de travail – les employés suivent en effet un programme de formation qui leur permet de comprendre les influences de leur chronotype sur leurs capacités analytiques et créatives durant toute une journée. Armés de telles connaissances, ils peuvent alors planifier leur journée de travail de façon à être en mesure de s’attaquer à des tâches plus complexes lorsqu’ils sont à leur meilleur rendement cognitif.

Il ne suffit pas de se concentrer sur de telles mesures d’adaptation, mais il convient aussi de se pencher sur l’ostracisme que cause le fait d’avoir un chronotype tardif. Par exemple, les ‘oiseaux de nuit’ sont bien souvent qualifiés de fainéants tout simplement parce qu’ils n’excellent pas dans leur travail durant la plage horaire ‘8 à 4’ ou ‘9 à 5’ qui leur est imposée. Il serait tout simple de prendre des mesures en leur faveur, par exemple de leur permettre de modifier leur horaire de quelques heures et de convoquer des réunions à une heure qui conviendrait aussi bien aux ‘lève-tôt’ qu’aux ‘couche-tard’.

Camilla Kring a fondé la B-society, un groupe d’action international qui fait la promotion d’une plus grande tolérance envers les personnes qui fonctionnent mieux le soir. « En fait, je pense que nous faisons acte de grande discrimination au sein de notre société envers les personnes ayant un chronotype tardif », a-t-elle déclaré. Une réunion convoquée au tout début de la journée de travail favorise les ‘lève-tôt’ (dont la clarté mentale est à son maximum également de bonne heure).

Dans un monde où les connexions internet permettent de travail depuis n’importe où et n’importe quand, ajoute-t-elle, les entreprises devraient accorder à leurs effectifs des horaires de travail plus souples en fonction de leur temps de sommeil idéal.

Selon Camilla Kring, de petits changements pourraient avoir un impact considérable. « Il suffit de modifier votre horaire d’une heure ou deux, ce qui permettrait de dormir un peu plus et d’avoir une bien plus grande productivité », précise-t-elle. Selon elle, les milieux de travail devraient mieux tenir compte des différents chronotypes.

Les lève-tard sont fatigués d’être la cible de discrimination. Et la science leur donne raison – Vox

Le mouvement syndical se bat depuis longtemps pour obtenir des horaires de travail souples, et en fait la promotion. Le simple fait de donner aux travailleurs et travailleuses un plus grand contrôle sur leurs horaires de travail leur permet non seulement d’avoir une meilleure conciliation travail-vie personnelle, mais aussi d’atteindre un niveau de productivité maximal.

Un sondage d’Emploi et Développement social Canada de 2016 révèle que 80 pour cent des employeurs offrent des conditions de travail souples, soit par une pratique informelle, une politique du milieu de travail ou par le truchement d’une convention collective.

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