La fierté redneck – une lutte syndicale en Virginie-Occidentale

Nous avons tous entendu le terme « redneck » (littéralement « cou rouge »). Aujourd’hui, c’est une étiquette péjorative utilisée pour décrire une personne rustre et peu raffinée, et qui s’applique souvent aux Américains blancs des régions rurales du sud. Ce terme n’est jamais considéré comme un compliment; toutefois, cela n’a pas toujours été le cas. Vous seriez étonnés de savoir que des travailleurs qui ont lutté contre l’oppression étaient fiers de se qualifier de rednecks.

Avant l’émergence des grandes sociétés pétrolières, le charbon était roi dans le secteur de l’énergie. En 1910, c’était la principale source d’énergie qui stimulait l’industrie américaine. Cependant, peu de gens prenaient le temps de penser aux mineurs qui creusaient le sol pour extraire le charbon. Ces derniers travaillaient dur pour faire exploser les roches du sous-sol et ensuite les transporter des fosses à la surface. C’était un travail dangereux et mal payé. Qui plus est, les propriétaires des entreprises, que l’on appelait les « barons du charbon », contrôlaient tous les aspects de la vie des travailleurs, du sous-sol aux logements fournis par les sociétés en passant par les magasins, de la terre qu’ils foulaient aux politiques qui veillaient à ce que des lois existent et à la police qui intervenait pour les contenir. Les syndicats n’étaient pas tolérés. Si les travailleurs sortaient du rang pour tenir tête aux propriétaires, l’entreprise expulsait leurs familles des logements fournis par celle-ci, et elles se retrouvaient démunies dans la nuit froide.

Le cœur de l’industrie du charbon se trouvait en Virginie-Occidentale. Les mineurs étaient des nouveaux arrivants au pays et des Américains établis de longue date. Des immigrants venus de Hongrie et d’Italie se sont joints aux blancs nés dans le pays issus des bleds des environs, ainsi qu’aux Afro-Américains qui étaient montés des États du Sud. Tous recherchaient un meilleur mode de vie pour leurs familles. Malgré leurs langues et leurs cultures différentes, ils demandaient l’aide du mouvement ouvrier pour se défendre. Ils exigeaient une rémunération équitable, des conditions de travail plus sûres et la fin de la corruption dans le secteur minier. Leurs demandes se sont heurtées à la violence.

La première grève a eu lieu en 1912, à Paint Creek et à Cabin Creek, sous la direction de Mary « Mother Jones » Harris Jones. Les mineurs grévistes et mis sur la liste noire ont été contraints de vivre dans des colonies de tentes. Comme si la faim et le froid ne suffisaient pas, des gardes des entreprises munis de mitrailleuses et cachés dans un train blindé tiraient au hasard dans leurs tentes le soir. Les mères de famille devaient tapisser leurs tentes avec des poêles en fonte afin de protéger leurs enfants. Finalement, les travailleurs ont forcé les entreprises à commencer à reconnaître leur syndicat, l’United Mine Workers (UMW). Toutefois, l’oppression, les expulsions et la violence se sont poursuivies. En 1913, l’UMW a pu négocier un règlement qui prévoyait une journée de travail de neuf heures, la responsabilité de la rémunération des mineurs et la protection contre les répercussions négatives de l’adhésion syndicale.

Malgré la grève, les tensions ont continué entre les barons du charbon et les mineurs. Les réunions syndicales attiraient plus de 3 000 travailleurs alors que les frustrations augmentaient. Après l’adhésion d’environ 300 mineurs à l’UMW, la société minière a riposté et les a tous congédiés, de sorte qu’ils ont été expulsés des logements fournis par cette dernière. Le 17 mai 1920, l’UMW avait installé une colonie de tentes pour les mineurs expulsés à l’extérieur de la ville de Matewan; toutefois, ce ne fut pas simple. Les forces de l’ordre et le maire de Matewan essayaient de maintenir la paix et étaient sans doute parmi les rares intervenants qui n’étaient pas à la solde des sociétés minières. Une fusillade entre les agents de l’entreprise et le shérif de la ville, soutenu par les mineurs, a fait dix morts, dont le maire, deux mineurs et sept agents.

Le shérif de Matewan, Sid Hatfield, et son adjoint, Ed Chambers, ont souvent fait l’objet d’accusations pour ne pas s’être rangés du côté des compagnies charbonnières. On a notamment allégué qu’ils avaient détruit un camp minier mohawk. Le 1er août 1921, alors qu’ils se rendaient au tribunal avec leurs épouses pour faire face aux accusations, des agents de l’entreprise les attendaient au palais de justice et les ont abattus avant qu’ils ne puissent franchir la porte. Les mineurs en avaient assez. Ils ont été plus de 10 000 à prendre les armes pour aller au combat. Comme ils portaient des bandanas rouges, on les a appelés l’« armée redneck ».

Les travailleurs étaient munis de fusils de chasse alors qu’ils affrontaient des mitrailleuses et un avion qui larguait des bombes sur eux. Ils n’avaient aucune chance. Trente agents de l’entreprise et une centaine de mineurs ont été tués. Le 30 août, le gouvernement fédéral a imposé la loi martiale dans tout l’État de la Virginie‑Occidentale. On a déployé 2 500 soldats fédéraux, qui étaient aussi armés de mitrailleuses, ainsi que des avions militaires munis d’explosifs supplémentaires et de bombes à gaz de la Première Guerre mondiale.

À la suite de ce que l’on a appelé la « bataille de Blair Mountain », environ 550 mineurs et leurs partisans ont été reconnus coupables de meurtre, d’insurrection et de trahison pour avoir participé au plus important soulèvement armé aux États-Unis depuis la guerre de Sécession.

Lorsque les enseignants de la Virginie-Occidentale ont fait la grève en 2019, ils portaient aussi des bandanas rouges en souvenir des luttes ouvrières du passé. Aujourd’hui, lorsque vous traitez quelqu’un de « redneck » en Virginie‑Occidentale, vous lui faites peut-être un compliment car il pourrait s’agir d’un partisan du mouvement syndical qui poursuit la lutte pour la justice ouvrière.

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