Le bombardement du phare d’Estevan Point : un mystère vieux de 78 ans

Le Canada n’a pas souvent été attaqué. Les Américains l’ont attaqué pendant la guerre de 1812. Les fenians irlandais l’ont attaqué après la guerre civile américaine pour s’emparer du pays et l’échanger contre la liberté de l’Irlande. Puis, le 20 juin 1942, six mois après Pearl Harbor, le phare d’Estevan Point, situé sur la côte ouest de l’île de Vancouver, a été bombardé. Selon la version officielle, il a été attaqué par le sous-marin japonais I-26. Si c’est le cas, cela en ferait le premier bombardement ennemi en sol canadien en 130 ans.

La nuit de l’attaque, le gardien du phare, Robert M. Lally, vétéran de la Première Guerre mondiale et gardien du phare d’Estevan Point depuis 1926, a signalé à 21 h 25 avoir vu un navire de guerre à l’horizon qui a tiré plusieurs dizaines de coups dans sa direction, dont aucun n’a atteint sa cible. Le premier obus a touché la plage devant le phare, que M. Lally a immédiatement éteint. Dans la noirceur complète, les autres obus ont atterri derrière lui. Il a aussi déclaré qu’il avait vu un sous-marin et une embarcation plus petite, mais que seul le navire de guerre avait tiré des coups. Son histoire a rapidement été modifiée par des sources gouvernementales, selon lesquelles il s’agissait d’un sous-marin japonais et non d’un navire de guerre. En effet, la nuit suivante, le fort Stevens, situé en sol américain et gardant l’embouchure du fleuve Columbia, a été attaqué par un sous-marin.

Alors, pourquoi une attaque japonaise serait-elle lancée contre un phare canadien? Le phare d’Estevan Point était-il la cible canadienne la plus importante? Le phare comportait l’une des plus importantes stations de radiogoniométrie du Pacifique Nord. Celle-ci offrait la plus vaste couverture parmi les stations canadiennes sur la côte ouest.  Sa présence aurait été bien connue des navires commerciaux en provenance du Japon dans les années précédant la guerre. Alors, l’attaque visait-elle le phare ou plutôt la station?

Certains croient que les Japonais n’ont joué aucun rôle dans l’attaque. Dans le cadre d’un épisode de The Fifth Estate de la CBC diffusé en 1995, Donald Graham, gardien de phare et historien maritime spécialiste de la côte ouest, a soulevé une autre idée. Aurait-il pu s’agir d’un stratagème politique imaginé par le premier ministre Mackenzie-King et les Américains pour inciter les Canadiens à accepter la conscription qui divisait le gouvernement et la nation?

Les Japonais sont-ils si mauvais tireurs que tous leurs obus ont raté l’objectif ou s’agissait-il d’un navire américain qui n’avait pas l’intention d’atteindre sa cible? Encore une fois, un phare constitue une petite cible. Le sous-marin I-25 qui a attaqué le fort Stevens la nuit suivante a causé peu de dommages, vu que le commandant du fort avait ordonné l’extinction des feux et qu’il n’y a pas eu de riposte, de sorte que les artilleurs n’ont pas pu déterminer la position de l’ennemi dans le noir.

Si Robert Lally n’a pas vu de navire de guerre, pourquoi son fils, qui pêchait dans un bateau, a-t-il cru en voir un? Pourquoi le gardien du phare de Nootka et sa fille ont-ils dit avoir vu un navire de guerre et un sous-marin? Pourquoi les registres du gardien Lally pour cette date et son journal de guerre ont-ils disparu à Ottawa pendant 40 ans? Qui allait profiter de l’attaque? Il est intéressant de visionner l’épisode de The Fifth Estate, dans lequel on tente de trouver les responsables de ce mystère rempli de renseignements contradictoires suscitant la curiosité. Ce qui s’est réellement passé, c’est que, en quelques semaines, le Parlement a adopté la Loi du service militaire et que plus personne n’a bombardé la côte de la Colombie-Britannique.

En raison de l’attaque, les phares et les aides à la navigation ont été éteints sur la côte ouest pour le reste de la guerre. L’importance des phares a été démontrée par le nombre de naufrages qui se sont produits par la suite. Les navires avaient besoin de phares gardés en 1942, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Donald Graham a servi à Point Atkinson, à l’île Lucy et à l’île Bonilla. Il a écrit deux livres, Keepers of the Light (1985) et Lights of the Inside Passage (1986), qui racontent l’histoire des phares de la Colombie-Britannique et la vie de leurs gardiens, membres de l’UCET. Don est malheureusement décédé le 8 octobre 2003 d’un cancer du pancréas.

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