Les ‘prétendiens’ : ceux qui revendiquent à tort l’identité autochtone

Par Mikelle Sasakamoose une membre de la section locale 20219 de l’UCET

Grey Owl était le prétendien originel.

Né Archibald Stansfield Belaney à Hastings, en Angleterre, en 1888, ce conversationniste britannique n’était pas autochtone. Cependant, après avoir déménagé au Canada au début des années 1900, être devenu trappeur et avoir eu des relations avec deux femmes des Premières nations, dont l’une n’était qu’une adolescente, il a commencé à se faire appeler ‘Grey Owl’ et s’est présenté comme le fils d’un Écossais et d’une Apache pour le reste de sa vie.

Pendant près de dix ans, il a acquis des connaissances traditionnelles auprès de la jeune femme mohawk iroquoise avec laquelle il a eu une liaison et qu’il a également trompée en lui faisant croire qu’il était autochtone, et a utilisé ces informations pour alimenter ses écrits. Des écrits qu’il a publiés sous une fausse identité et sur lesquels il a donné des conférences lors de tournées.

Il a occupé le premier espace offert aux Autochtones, qui étaient les premiers défenseurs de la conservation de cette terre autochtone.

Depuis, il y en a eu d’autres. Certains, comme Belaney, connaissent le mensonge sur le bout des doigts, ou bien il y a ceux qui choisissent de croire aux mythes sur qui ils aimeraient être, se contentant de ne jamais chercher de preuves, bien que même s’il y en avait, l’ascendance n’est pas synonyme d’identité.

Le Réseau de télévision des peuples autochtones définie un ‘prétendien’ comme étant une personne qui prétend faussement avoir des ancêtres autochtones, à savoir qui simule une identité autochtone ou qui déterre un vieil ancêtre d’il y a des centaines d’années pour se proclamer autochtone aujourd’hui.

Quel mal cela fait-il ?

Dans la fonction publique, il suffit de cliquer sur un bouton pour s’identifier comme autochtone. Tout le monde peut le faire — quiconque a une vieille histoire familiale d’une princesse indienne ou quelqu’un qui en a simplement envie. Tout le monde. Et personne ne dira rien. En cliquant sur ce bouton, une personne sera prioritaire pour les postes et les opportunités réservés aux Autochtones. Il peut s’agir d’emplois ou d’une contribution précieuse à l’élaboration de politiques ou de programmes qui ont un impact direct sur les communautés autochtones.

L’année dernière, Breanna Lavallee-Heckert, membre de la Fédération des Métis du Manitoba, a démissionné de son poste au bureau d’un sénateur manitobain, parce qu’elle a affirmé qu’une collègue revendiquait faussement une identité autochtone. En fait, sa collègue, d’autres collègues et le sénateur en question lui donnèrent l’impression d’être ‘mentalement malade’ pour avoir contesté la prétention de sa collègue, qui se disait être membre d’un groupe controversé qui n’avait pas réussi à démontrer l’existence d’une communauté métisse historique sur le territoire où elle fonde ses revendications.

Mme Lavallee-Heckert a eu du mal à accepter de partager son environnement avec sa collègue, qui était également mise à l’honneur pour son travail sur les amendements à la Loi sur les Indiens. « Il y a tout simplement quelque chose de grossièrement colonial dans l’idée que quelqu’un qui prétend faussement être un Métis travaille sur des modifications à la Loi sur les Indiens », a déclaré Mme Lavallee-Heckert dans une entrevue à la CBC. Dans sa lettre de démission, elle écrit :

« Le fait d’être en contact avec quelqu’un qui vole impunément mon identité et ma culture est l’une des choses les plus humiliantes et les plus dévalorisantes que j’aie eu à subir. »

À une époque où il est avantageux d’être reconnue comme étant autochtone, il n’est pas surprenant qu’il y ait des ‘prétendiens’ dans de nombreux secteurs. Dans le milieu artistique, Joseph Boyden a été dénoncé par tout le monde, y compris son ex-femme, pour s’être faussement identifié comme autochtone, s’appropriant des centaines de milliers de dollars et autant d’heures d’espace réservé au soutien des véritables artistes autochtones. Quand bien même, son ex-femme ne le blâme pas entièrement !

« En fait, je ne crois pas qu’il soit le seul responsable de la mythologie du Grand Joseph Boyden », a déclaré Amanda Boyden. Il y a moultes années, lorsque la machine a commencé à raconter son histoire mythique pour son couvre-livre, le mot Métis y figurait. « Je lui ai demandé pourquoi il avait laissé dire cela, ce à quoi il m’a catégoriquement répondu qu’il ne savait pas que cela pouvait être le cas pour son héritage, mais il m’a expliqué que le mot Métis signifiait ‘mixte’, ajoutant qu’il ne connaissait pas complètement ses origines génétiques. Je l’ai dénoncé pour publicité mensongère. »

Plus récemment, la réalisatrice Michelle Latimer, qui prétendait être ‘d’origine algonquine, métisse et française, de Kitigan Zibi Anishinabeg (Maniwaki), au Québec’, a admis dans des courriels adressés au réseau CBC qu’elle s’était ‘trompée et qu’elle avait prématurément revendiqué un lien sans faire de recherches appropriées pour étayer sa conviction’. Cela a eu un impact négatif non seulement sur sa carrière, mais aussi sur celle de nombreux artistes autochtones qui travaillaient ou avaient récemment travaillé sur des projets avec elle. Elle a également pris des centaines de milliers de dollars de subventions destinées à soutenir les artistes autochtones.

Par la suite, Latimer a demandé à deux généalogistes controversés d’affirmer qu’elle avait des ancêtres autochtones datant de centaines d’années. Sur la base de ce lien pouvant remonter à plusieurs siècles, elle poursuit deux journalistes des Premières Nations pour diffamation et continue de revendiquer une identité autochtone. Darryl Leroux, universitaire non autochtone et auteur de Distorted Descent : White Claims to Indigenous Identity, a déclaré : « Latimer a deux ancêtres algonquines qui sont nées avant 1650, ce qui correspond à la moyenne des descendants blancs français ».

« À titre de comparaison, je suis apparentée à ces deux femmes et à une troisième femme algonquine née en 1632, et le premier ministre Trudeau est apparenté à l’une d’entre elles. Cela ne fait pas de vous un Métis, ni un Algonquin. Point final. On s’arrête là. »

Plus près de nous, la conservatrice des galeries de l’Université Simon Fraser, Cheyanne Turions, a également été critiquée pour avoir accepté des subventions d’une valeur de plus de 100 000 $ destinées à des conservateurs autochtones, alors qu’elle ne pouvait pas prouver que son histoire familiale était celle d’un ‘mélange d’Autochtones et de colons’. Au début de l’année, Amie Wolf, professeur à l’université de Colombie-Britannique, a envoyé des menaces de mort à ses détracteurs après avoir été démasquée par le compte Twitter @nomoreredface pour avoir revendiqué à tort une identité autochtone. Elle a été licenciée de son poste de chargée de cours en éducation autochtone à l’université.

Alors pourquoi sommes-nous donc indignés ? Ne devrions-nous pas plutôt être flattés ?

Je ne saurais mieux dire que la militante et universitaire Nisga’a et Kwakwak’awakw, Ginger Gosnell-Myers, dans une chronique qu’elle a écrite pour The Tyee :

‘Ces revendications sans fondement, à la fois non étayées voire fausses, établissent une norme de réussite difficile à rattraper. Les personnes qui les font bénéficient d’un privilège blanc qui alimente leur art professionnel – tout le temps du monde pour affiner leurs talents, pas d’urgences familiales, pas de TSPT dû aux résidus des pensionnats qui les retiennent. Pas de défilé sans fin de funérailles, de problèmes de santé, de confrontations avec la violence latérale, de honte intériorisée, de racisme à la fois grand et petit dans leur vie à affronter chaque jour. Ils sont capables de montrer au monde entier à quel point un autochtone peut s’élever s’il fait preuve d’une solide éthique de travail, s’il fait partie des «bons».

Il n’est pas étonnant que les décideurs aiment les ‘prétendiens’, lesquels leur offrent tous les avantages autochtones rêvés sans les réalités lugubres de l’expérience vécue par les Autochtones…. Il ne s’agit pas d’un délit sans victime. C’est une continuation du privilège blanc et du génocide culturel – tout simplement, c’est mal.’

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