L’esprit de Mary Ann Shadd Cary

L’UCET tient à mettre de l’avant l’extraordinaire esprit de Mary Ann Shadd Cary, une femme noire qui s’est battue pour obtenir justice et égalité et ce, chaque fois qu’elle le pouvait, défiant par la même occasion les normes sociales en vigueur à son époque et faisant éclater en mille morceaux nombre de ‘plafonds de verre’.

Née en 1823 dans le Delaware, Mary Ann Shadd avait pour père Abraham Shadd, membre fort actif du mouvement contre l’esclavage, qui participa entre autres à plusieurs organisations cherchant à abolir la discrimination faite aux Noirs et à améliorer l’existence des esclaves émancipés. Le domicile des Shadd au Delaware servait alors de halte à la ligne de chemin de fer sous-terraine.

« Mary prit vite conscience, dès son tout jeune âge, que ses parents cachaient régulièrement des esclaves en quête de liberté, ou leur donnaient des souliers pour faciliter leur voyage vers le nord… sur le chemin de la liberté. Elle comprit aussi que sa mère cuisinait des plats en sus pour nourrir ceux et celles qui transiteraient par chez eux, ou leur donner quelques aliments pour la route. Elle entendit toutes sortes de discussions sur des ‘stations’ et autres ‘passeurs’, et savaient pertinemment que ses parents s’intéressaient profondément à rendre libres les personnes réduites en esclavage. »

En 1850, les États-Unis adoptèrent la Fugitive Slave Act (loi des esclaves fugitifs) qui permettaient aux propriétaires d’esclaves de ‘récupérer’ leur ‘propriété’ et ce, peu importait que les esclaves étaient alors émancipés dans les États qui autorisaient l’esclavage ou les ‘États libres’ du Nord où l’esclavage avait été aboli. Cette loi posait une énorme menace à la communauté noire libre dont les membres risquaient effectivement ‘d’être enlevés et vendus comme esclaves dans le Sud, sans aucun recours’.

Cette loi déclencha une vague d’émigration d’Américains noirs vers le Canada : ‘entre 1850 et 1860 de 15 000 à 20 000 Afro-américains vinrent s’installer au Canada, faisant ainsi passer la population de Noirs à quelque 60 000 personnes. »

En 1851, Mary Ann Shadd émigra à son tour au Canada, plus précisément à Windsor en Ontario, où elle ouvrit une école, enseignant à des enfants de jour et à des adultes la nuit. Alors qu’à cette époque sévissait la ségrégation dans les écoles du Canada-Ouest (aujourd’hui la province de l’Ontario), Shadd refusa que la sienne entre dans cette catégorie, s’opposant ainsi et non seulement aux souhaits de certains membres de la communauté mais également à l’institution même qui finançait son établissement scolaire. Dans une lettre adressée à la American Missionary Association, Shadd écrit notamment : « Je verrai cette tentative visant à attirer la sympathie de votre Société en faveur d’une école pratiquant la ségrégation, comme étant particulièrement répréhensible. »

L’année suivante, Shadd publiait un ouvrage de 44 pages intitulé A plea for emigration, or, Notes of Canada West (Un plaidoyer pour l’émigration, ou, Notes du Canada-Ouest), son objectif étant d’encourager les Américains noirs, esclaves libres et fugitifs confondus, d’émigrer au Canada où les conditions en vigueur leur permettaient de jouir d’un traitement égal en vertu de la loi.

(Les lois en matière du droit de vote) ne comportent aucune disposition prescriptive, et il n’y en a pas du tout », écrivit Shadd. ‘Les hommes de couleur respectent ces dispositions et votent sur l’administration des affaires. Aucune différence n’est faite, quelle qu’elle soit ; même lorsqu’il s’agit de procéder à un recensement, il est impossible d’obtenir le nombre exact de personnes de race blanche ou de couleur, du simple fait qu’elles ne sont pas désignées ainsi.’

Cela ne revient toutefois pas à dire que le Canada était exempt d’injustice ou que la communauté noire canadienne était protégée contre les ‘chasseurs d’esclaves’ qui parfois s’aventuraient vers le Nord. Shadd elle-même secourut un esclave fugitif dans la ville de Chatham en Ontario :

Un dimanche, un tout jeune esclave, sans chapeau ni manteau ou chaussures, qui venait de fausser compagnie à ses poursuivants, fut rattrapé dans Chatham et était sur le point d’être enlevé. (Shadd) arracha le petit bonhomme des mains de ces chasseurs d’esclaves, se rua vers la salle du tribunal et fit sonner tellement fort la cloche que toute la ville en fut surprise. (Shadd), de par sa présence imposante, ses yeux perçants et sa voix criante, fit en sorte que tout le monde fut aussi indigné qu’elle – dénonçant sans ambages ni sans ambigüité le scandale perpétré sous le drapeau britannique, et exigea que ces chasseurs d’esclaves soient immédiatement refoulés et chassés… à leur tour ! C’est ainsi que ces individus s’enfuirent alors sous les yeux d’une foule en furie, tout heureux de s’en sortir sans blessures corporelles.’

Shadd créa son propre journal ‘The Provincial Freeman’ alors qu’elle était à Windsor. Elle recruta Samuel Ringgold Ward, un abolitionniste noir bien connu, pour qu’il l’aide à bien établir cette publication. Quand bien même ce fut le nom de Ward qui figurait en tant que rédacteur en chef, Shadd en était en fait la vraie rédactrice en chef.

‘Certes ce journal était le résultat d’une initiative lui revenant exclusivement, mais elle n’en reconnut pas moins que de mettre son nom dans l’en-tête du journal risquerait d’aliéner les lecteurs et lectrices qui cédaient devant les codes des sexes très stricts de la société du 19è siècle.’

Shadd se servit de son journal pour encourager les Américains noirs à émigrer au Canada, lequel fut par ailleurs un bon moyen de promotion des droits des femmes, et aussi de lutte contre l’esclavage et la ségrégation. Une année après son lancement, Ward partit s’installer à la Jamaïque et ne put donc plus lui servir de ‘rédacteur en chef’. Shadd en profita alors pour révéler que c’était bien elle la véritable rédactrice en chef du journal – ‘la première femme noire en Amérique du Nord à fonder et rédiger un journal’.

The Provincial Freeman fut publié pendant sept ans, jusqu’en 1860.

Sept années de publication d’un journal dans des circonstances difficiles… tout un exploit qui la place parmi un tout petit groupe de publications ‘noires’, dont les journaux et écrits de Frederick Douglass’.

Dans sa toute dernière parution, Shadd (alors mariée et ayant adopté le nom de Shadd Cary) écrivit : « Aux femmes de couleur, nous avons un mot pour elles — nous avons percé les barrières de la rédaction, que ce fusse volontaire ou non, pour votre classe en Amérique, alors… à vos plumes ! »

Shadd Cary poursuivit ses combats en vue de ‘briser les plafonds de verre’. En effet, une fois de retour aux États-Unis elle devint la première étudiante noire en droit de la Howard University, et la première femme à obtenir sa licence de droit dans ce pays. Elle ne cessa jamais de promouvoir l’égalité des races et joua notamment un rôle actif en faveur du droit de vote des femmes.

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