En 1967, après des décennies de pressions politiques de diverses sortes et autres mouvements revendicatifs des associations du personnel, le Parlement adoptait le Projet de loi 170, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui accordait – enfin — aux fonctionnaires du gouvernement fédéral le droit de se syndiquer et de faire la grève, en cas de besoin. Ainsi, fini le temps d’aller ‘mendier’ une amélioration salariale et des avantages sociaux. Le pouvoir d’exiger des résultats se trouvait ainsi entre les mains des employé(e)s de la fonction publique fédérale.

Les fonctionnaires ne perdirent pas un instant pour signer une carte d’adhésion syndicale, ainsi dès septembre 1967, l’Alliance de la Fonction publique du Canada notifiait son avis de négociation pour les membres des groupes Chauffage et énergie (HP) et Pompiers (FR). Les toutes premières conventions collectives de l’AFPC furent signées en avril 1968 pour ces deux unités de négociation. Le nouveau syndicat, formé en 1966 seulement, ‘ne perdit pas de temps au démarrage’.

Parmi les 53 groupes relevant de ses compétences en 1968, l’AFPC n’en comptait que 8 ayant opté pour la conciliation/grève.  Les membres n’en avaient pas moins clairement indiqué, dès les premiers jours, qu’ils allaient prendre leur destin en main. La première grève de l’histoire de l’AFPC fut déclenchée au printemps 1970 par les agents des douanes au poste-frontière de Windsor-Detroit. L’année suivante, l’Union des employés de la Défense nationale déclencha la première grève légale contre Construction de Défense du Canada à deux endroits. Puis, au début des années 1970, les membres de l’Union canadienne des employés des transports entreprirent des moyens de pression au travail par le truchement de grèves sauvages.

Partie 3 : Tous les conflits de travail doivent avoir une fin … tout comme les ‘séances d’études’ des pompiers.

Dans le cadre de l’exploration continue de l’histoire de l’UCET, voici la troisième et dernière partie d’un récit sur notre première grève.

Trois semaines après le débrayage des pompiers en avril 1974, trois petits aéroports de la Colombie-Britannique rouvrirent leurs portes : Terrace, Prince Rupert et Abbotsford. Deux jours plus tard, les pompiers de Vancouver reprirent le travail, mettant fin à une grève de 18 jours. Le gouvernement fédéral accepta les demandes des pompiers pour qu’un médiateur soit nommé. Tom O’Conner, un consultant en relations de travail, eut donc pour tâche de rencontrer les deux parties à Ottawa.

Quelques semaines plus tard, la nouvelle offre présentée faisait état d’une hausse passant de 30 pour cent à l’échelle du pays à une augmentation de 22 pour cent sur une période de 26 mois pour les pompiers des aéroports de la province de l’Atlantique, tandis que ceux de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon obtiendraient une augmentation de 38,5 pour cent, ceux de l’Ontario toucheraient 36 %, le Québec 33 %, et le Manitoba et l’Alberta 29,5 %. La Saskatchewan, comme les provinces de l’Atlantique, obtiendrait 22 pour cent. La demande nationale initiale était de 44,5 pour cent sur deux ans. Les pompiers de Vancouver indiquèrent qu’ils étaient prêts à accepter les augmentations salariales proposées par le Conseil du Trésor si elles étaient incluses dans un contrat de 18 mois plutôt que dans l’entente proposée portant sur 26 mois.

Le président de la Section locale de Vancouver, Don Duthie, déclara aux médias que ‘la plupart des membres avec lesquels je me suis entretenu semblent plutôt satisfaits de l’accord’. Bob Crowley, un autre porte-parole des pompiers de Vancouver, admit toutefois ‘qu’il ne croyait pas que les pompiers des Maritimes se réjouiraient particulièrement de la dernière offre’. Et il avait bien raison ! Les représentants syndicaux locaux du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard firent savoir que le moral dans les aéroports était ‘au plus bas’ et ce, à cause de l’offre. Bruce Robb, pompier de la Défense nationale et membre de l’équipe de négociation, qualifia l’offre du gouvernement d’inacceptable.

Les pompiers les mieux payés du pays étant ceux de la ville de Vancouver et des municipalités voisines, il était tout à fait naturel que les membres de l’UCET en Colombie-Britannique souhaitent la parité. Cependant, ceux de l’aéroport de Terre-Neuve précisèrent que la parité ‘serait désastreuse pour nous’, puisque les pompiers municipaux de St. John’s gagnent environ 1 000 $ de moins par année.

Il n’y eut pas d’entente ni entre les membres ni entre les parties.  Le gouvernement fédéral renvoya alors la question d’un règlement à un arbitrage exécutoire. L’arbitre déposa son rapport en juin, accordant un contrat d’un an offrant des augmentations salariales de 9 160 $ à 11 262 $. Bill Brown, de la Section locale de Vancouver, déclara que les augmentations de 22,9 pour cent pour les employés ayant plus de cinq ans d’expérience et de 19 pour cent pour tous les autres étaient essentiellement ce que le gouvernement avait offert et rejeté. Il ajouta que les membres étaient mécontents et qu’ils envisageaient de retirer leur accréditation à l’AFPC. À l’initiative des sections locales de la Colombie-Britannique, les débrayages commencèrent lorsque les membres, insatisfaits d’une entente de principe offrant des augmentations totales de 30 % sur une période de 26 mois, reçurent une indemnité beaucoup moins élevée.

Une question de solidarité

Dès le début de la lutte, il fut évident qu’il y avait une profonde division au sein du syndicat sur les taux nationaux par rapport aux taux régionaux de rémunération. Le Congrès de l’UCET de 1969 avait demandé que les taux nationaux soient une politique constitutive. L’Alliance, à son Congrès national de 1973, avait adopté une politique de négociation pour la parité nationale dans tout le pays. Il est important de noter que la négociation des taux régionaux n’était pas seulement un enjeu pour l’AFPC et l’UCET. Le congrès du Congrès du travail du Canada avait appuyé massivement une motion du syndicat des facteurs qui se lisait comme suit : ‘Un salaire égal pour un travail égal, sans égard à l’âge, au sexe, à la race, à la croyance, à la couleur, à l’origine nationale, aux affiliations politiques et religieuses et au lieu de résidence, est la seule façon logique d’égaliser le niveau de vie des travailleurs’.

Les dirigeants de l’Alliance organisèrent une réunion avec les membres de la Colombie-Britannique après la grève, et firent face à de nombreuses critiques. Le président de l’AFPC, Claude Edwards, était d’avis que le Conseil du Trésor fédéral voulait des échelles salariales régionales parce que cela permettrait au gouvernement d’économiser de l’argent. Les membres n’étaient pas satisfaits de l’augmentation, mais il n’y avait pas d’entente sur le fait que les taux régionaux étaient acceptables.

À l’expiration de cette convention collective d’un an, résultat d’une décision d’un arbitre, en mai 1975, un nouvel arbitre accorda aux membres une augmentation de 29 % dans le cadre d’une nouvelle convention de deux ans, faisant passer ainsi les salaires de 11 262 $ à 13 177 $. La question des taux de rémunération régionaux est revenue sur le tapis dans les années 1990, lorsque le gouvernement fédéral confia les aéroports aux autorités locales et que les membres de l’UCET commencèrent à négocier des conventions collectives avec chaque aéroport.

À une époque où la plupart des syndicats du pays réclamaient des taux de rémunération nationaux et où, dans le cas des pompiers des Maritimes de l’UCET, ils craignaient que les taux régionaux ne se traduisent par des salaires beaucoup plus bas, les membres de la Colombie-Britannique durent mener une lutte difficile pour que leurs revendications soient victorieuses. La Section locale de Vancouver avait l’air d’appuyer la position de l’employeur, ce qui n’est jamais un bon endroit pour négocier. Mais il était clair que les membres du groupe FR à travers le pays étaient mécontents de leurs salaires et prêts à agir en organisant une grève sauvage. Cette action défie la loi, les tribunaux, l’employeur et leur syndicat. Mais au printemps 1974, les pompiers de l’UCET en Colombie-Britannique entraînèrent le pays dans une ‘séance d’études’ qui imposait de ne pas aller au travail pendant 18 jours.